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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 2.djvu/251

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XLIX

LES CARROSSES DU ROI.


Un murmure criard dans le lointain, mais qui devint plus grave et plus ample en se rapprochant, fit dresser l’oreille à Gilbert, qui sentit tout son corps se hérisser sous un frisson aigu.

On criait : Vive le roi !

C’était encore l’usage alors.

Une nuée de chevaux hennissants, dorés, couverts de pourpre, s’élança sur la chaussée : c’étaient les mousquetaires, les gendarmes et les Suisses à cheval.

Puis un carrosse massif et magnifique apparut.

Gilbert aperçut un cordon bleu, une tête couverte et majestueuse. Il vit l’éclair froid et pénétrant du regard royal, devant lequel tous les fronts s’inclinaient et se découvraient.

Fasciné, immobile, enivré, pantelant, il oublia d’ôter son chapeau.

Un coup violent le tira de son extase ; son chapeau venait de rouler à terre.

Il fit un bond, ramassa son chapeau, releva la tête, et reconnut le neveu du bourgeois qui le regardait avec ce sourire narquois particulier aux militaires.

— Eh bien ! dit-il, on n’ôte donc pas son chapeau au roi ?

Gilbert pâlit, regarda son chapeau couvert de poussière et répondit :

— C’est la première fois que je vois le roi, monsieur, et j’ai oublié de le saluer, c’est vrai. Mais je ne savais pas…

— Vous ne saviez pas ! dit le soudard en fronçant le sourcil.

Gilbert craignit qu’on ne le chassât de cette place où il était si bien pour voir Andrée ; l’amour qui bouillonnait dans son cœur brisa son orgueil.