vous que nous vous vengions de votre ennemi ? Adressez-vous aux magistrats.
— Les magistrats ne peuvent rien, Madame, contre celui que je redoute.
— Qu’est-il donc ? fit la supérieure avec un secret et involontaire effroi.
Lorenza se rapprocha de la princesse sous l’empire d’une mystérieuse exaltation.
— Ce qu’il est, Madame, dit-elle, c’est, j’en suis certaine, un de ces démons qui font la guerre aux hommes, et que Satan, leur prince, a doués d’une puissance surhumaine.
— Que me dites-vous là ? fit la princesse en regardant cette femme pour bien s’assurer qu’elle n’était pas folle.
— Et moi, moi ! oh ! malheureuse que je suis ! s’écria Lorenza en tordant ses beaux bras, qui semblaient moulés sur ceux d’une statue antique ; moi, je me suis trouvée sur le chemin de cet homme ! et moi, moi, je suis…
— Achevez.
Lorenza se rapprocha encore de la princesse, puis, tout bas, et comme épouvantée elle-même de ce qu’elle allait dire :
— Moi, je suis possédée ! murmura-t-elle.
— Possédée ! s’écria la princesse ; voyons, madame, dites, êtes-vous dans votre bon sens ? et ne seriez-vous point… ?
—Folle, n’est-ce pas ? c’est ce que vous voulez dire. Non, je ne suis pas folle, mais je pourrai bien le devenir si vous m’abandonnez.
— Possédée ! répéta la princesse.
— Hélas ! hélas !
— Mais, permettez-moi de vous le dire, je vous vois en toutes choses semblable aux autres créatures les plus favorisées de Dieu ; vous paraissez riche, vous êtes belle, vous vous exprimez raisonnablement, votre visage ne porte aucune trace de cette terrible et mystérieuse maladie qu’on appelle la possession.
— Madame, c’est dans ma vie, c’est dans les aventures de cette vie que réside le secret sinistre que je voudrais me cacher à moi-même.