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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 2.djvu/291

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— Son Altesse désire connaître comment vous savez tout cela, répéta le comte.

— Chose étrange, dit Lorenza, je voyais et j’entendais ; seulement, je ne pouvais ouvrir les yeux, parler ni remuer ; j’étais comme en léthargie.

— En effet, dit la princesse, Tronchin m’a parlé parfois de personnes tombées en léthargie et qui avaient été enterrées vivantes.

— Continuez, Lorenza.

— Ma mère se désespérait et ne voulait point croire à ma mort ; elle déclara qu’elle passerait encore près de moi la nuit et la journée du lendemain.

« Elle le fit ainsi qu’elle l’avait dit, mais les trente-six heures pendant lesquelles elle me veilla s’écoulèrent sans que je fisse un mouvement, sans que je poussasse un soupir.

« Trois fois le prêtre était venu, et chaque fois il avait dit à ma mère que c’était se révolter contre Dieu que de vouloir retenir mon corps sur la terre, quand déjà il avait mon âme ; car il ne doutait pas, étant morte dans toutes les conditions du salut et au moment où j’allais prononcer les paroles qui scellaient mon éternelle alliance avec le Seigneur, il ne doutait pas, disait-il, que mon âme ne fût montée droit au ciel.

« Ma mère insista tant, qu’elle obtint de me veiller encore pendant toute la nuit du lundi au mardi.

« Le mardi matin j’étais toujours dans le même état d’insensibilité.

« Ma mère se retira vaincue. Les religieuses criaient au sacrilège. Les cierges étaient allumés dans la chapelle où je devais, selon l’habitude, être exposée un jour et une nuit.

« Ma mère une fois sortie, les ensevelisseuses entrèrent dans ma chambre ; comme je n’avais pas prononcé mes vœux, on me mit une robe blanche, on ceignit mon front d’une couronne de roses blanches, on plaça mes bras en croix sur ma poitrine, puis on demanda :

« — La bière !

« La bière fut apportée dans ma chambre ; un profond frissonnement courut par tout mon corps, car, je vous le répète, à