tout le mérite du présent. Adieu, cher comte, n’oubliez pas, dans dix ans, mon philtre régénérateur.
— J’ai dit vingt ans.
— Comte, vous connaissez le proverbe : « J’aime mieux tenir… » Et même, si vous pouvez me le donner dans cinq ans… On ne sait pas ce qui peut arriver.
— Quand il vous plaira, comtesse. Ne savez-vous point que je suis tout à vous ?
— Un dernier mot, comte.
— J’écoute, madame.
— Il faut que je vous aie en bien grande confiance pour vous l’adresser.
Balsamo, qui avait déjà mis pied à terre, surmonta son impatience et se rapprocha de la comtesse.
— On dit partout, continua madame du Barry, que le roi a du goût pour cette petite Taverney.
— Ah ! madame, dit Balsamo, est-ce possible ?
— Un goût fort vif, à ce qu’on prétend. Il faut que vous me le disiez : si cela est vrai, comte, ne me ménagez pas ; comte, traitez-moi en amie, je vous en conjure ; comte, dites-moi la vérité.
— Madame, répliqua Balsamo, je ferai plus ; je vous garantis, moi, que jamais mademoiselle Andrée ne sera la maîtresse du roi.
— Et pourquoi cela, comte ? s’écria madame du Barry.
— Parce que je ne le veux pas, dit Balsamo.
— Oh ! fit madame du Barry, incrédule.
— Vous doutez ?
— N’est-ce point permis ?
— Ne doutez jamais de la science, madame. Vous m’avez cru quand j’ai dit oui ; quand je dis non, croyez-moi.
— Mais enfin, vous avez donc des moyens ?…
Elle s’arrêta en souriant.
— Achevez.
— Des moyens capables d’annihiler la volonté du roi ou de combattre ses caprices ?
Balsamo sourit.