Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/37

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ce secret admirable, sublime, que je tiens, sera perdu pour l’homme, qui touche en moi et par moi à la divinité ! Oh ! j’y manque, oh ! si je me trompe, oh ! si je faux, Acharat, c’est toi, toi qui en seras cause ; et, prends-y garde, ma colère sera terrible, terrible !

Et, en prononçant ces derniers mots qui firent jaillir comme une étincelle livide de sa prunelle mourante, le vieillard tomba dans une petite convulsion à laquelle succéda un violent accès de toux.

Balsamo lui prodigua à l’instant même les soins les plus empressés.

Le vieillard revint à lui ; sa pâleur était devenue de la lividité. Ce faible accès avait épuisé ses forces à ce point qu’on eût pu croire qu’il allait mourir.

— Voyons, maître, lui dit Balsamo, formulez ce que vous voulez.

— Ce que je veux…, dit-il en regardant fixement Balsamo.

— Oui…

Ce que je veux, le voici…

— Parlez, je vous écoute et je vous obéis, si la chose que vous désirez est possible.

— Possible… possible ! murmura dédaigneusement le vieillard. Tout est possible, tu le sais.

— Oui, sans doute, avec le temps et la science.

— La science, je l’ai ; le temps, je suis sur le point de le vaincre ; ma dose a réussi ; mes forces sont presque totalement disparues ; les gouttes blanches ont provoqué l’expulsion d’une partie des restes de la nature vieillie. La jeunesse, pareille à cette sève des arbres en mai, monte sous la vieille écorce et pousse, pour ainsi dire, l’ancien bois. Tu remarqueras, Acharat, que les symptômes sont excellents : ma voix est affaiblie, ma vue a baissé des trois quarts, je sens par intervalles ma raison s’égarer ; la transition du chaud au froid m’est devenue insensible, il est donc urgent pour moi d’achever mon élixir, afin que, le propre jour de ma seconde cinquantaine, je passe de cent ans à vingt sans hésitation ; mes