Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/44

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chercher pour moi, près de Jéhovah, le rayon de lumière qu’il mettait autrefois au front de ses prophètes. Quand je voudrai savoir l’avenir, quand je voudrai commander aux hommes, hélas ! hélas ! ta voix ne me répondra plus. J’avais en toi à la fois la femme aimée et le génie auxiliaire ; je n’aurai plus que l’un des deux, et encore…

— Ah ! tu doutes, tu doutes ! s’écria Lorenza ; je vois le doute comme une tache noire sur ton cœur.

— Tu m’aimeras toujours, Lorenza ?

— Toujours, toujours !

Balsamo passa sa main sur son front.

— Eh bien, soit ! dit-il. D’ailleurs…

II resta un instant enseveli dans sa pensée.

— D’ailleurs, ai-je donc absolument besoin de celle-ci ? continua-t-il. Est-elle seule au monde ? Non, non ; tandis que celle-ci me fera heureux, l’autre continuera de me faire riche et puissant. Andrée est aussi prédestinée, aussi voyante que toi. Andrée est jeune, pure, vierge, et je n’aime pas Andrée ; et cependant, pendant son sommeil, Andrée m’est soumise comme toi ; j’ai dans Andrée une victime toute prête pour te remplacer, et pour moi celle-là, pour moi, c’est l’âme vile du médecin, et qui peut servir aux expériences ; elle vole aussi loin, plus loin que toi, peut-être, dans les ombres de l’inconnu. Andrée ! Andrée ! je te prends pour ma royauté. Lorenza, viens dans mes bras ; je te garde pour mon amante et pour ma maîtresse. Avec Andrée, je suis puissant ; avec Lorenza, je suis heureux. À partir de cette heure seulement, ma vie est complète, et, moins l’immortalité, j’ai réalisé le rêve d’Althotas ; moins l’immortalité, je suis l’égal des dieux !

Et, relevant Lorenza, il ouvrit sa poitrine haletante contre laquelle Lorenza vint s’enlacer aussi étroitement que s’enlace le lierre au chêne.