Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/112

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— Mon cher voyageur, la province est encore habitable, mais Paris est bien remué. Défiez-vous, citoyen, il y a une police bien pointilleuse à Paris, et, en votre qualité d’Allemand, vous pourriez n’être pas traité en bon Français.

À quoi Hoffmann répondait par un sourire fier, réminiscence des fiertés spartiates quand les espions de Thessalie cherchaient à grossir les forces de Xerxès, roi des Perses.

Il arriva devant Paris ; c’était le soir, les barrières étaient fermées.

Hoffmann parlait passablement la langue française, mais on est allemand ou on ne l’est pas ; si on ne l’est pas, on a un accent qui, à la longue, réussit à passer pour l’accent d’une de nos provinces ; si on l’est, on passe toujours pour un Allemand.

Il faut expliquer comment se faisait la police aux barrières.

D’abord, elles étaient fermées ; ensuite, sept ou huit sectionnaires, gens oisifs et pleins d’intelligence, Lavaters amateurs, rôdaient par escouades, en fumant leurs pipes, autour de deux ou trois agens de police municipale.

Ces braves gens, qui, de députations en députations, avaient fini par hanter toutes les salles de clubs, tous les bureaux de districts, tous les endroits où la politique s’était glissée par le côté actif ou le côté passif ; ces gens, qui avaient vu à l’Assemblée nationale ou à la Convention chaque député, dans les tribunes tous les aristocrates mâles et femelles, dans les promenades tous les élégans signalés, dans les théâtres toutes les célébrités suspectes, dans les revues tous les officiers, dans les tribunaux tous les accusés plus ou moins libérés d’accusation, dans les prisons tous les