Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/161

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laient dans les rues, grâce à son passeport bien en règle, grâce à la preuve qu’il n’était arrivé que la veille, preuve que le visa de la barrière lui donnait la facilité de fournir, il obtint de la milice citoyenne des renseignemens si précis, qu’il parvint à regagner son hôtel et à retrouver sa petite chambre, où il s’enferma seul en apparence, mais, en réalité, avec le souvenir ardent de ce qui s’était passé.

À partir de ce moment, Hoffmann fut éminemment en proie à deux visions : dont l’une s’effaçait peu à peu, dont l’autre prenait peu à peu plus de consistance.

La vision qui s’effaçait, c’était la figure pâle et échevelée de la Du Barry, traînée de la Conciergerie à la charrette et de la charrette à l’échafaud.

La vision qui prenait de la réalité, c’était la figure animée et souriante de la belle danseuse, bondissant du fond du théâtre à la rampe, et tourbillonnant de la rampe à l’une et à l’autre avant-scène.

Hoffmann fit tous ses efforts pour se débarrasser de cette vision. Il tira ses pinceaux de sa malle et peignit ; il tira son violon de sa boîte et joua du violon ; il demanda une plume et de l’encre et fit des vers. Mais ces vers qu’il composait, c’étaient des vers à la louange d’Arsène ; cet air qu’il jouait, c’était l’air sur lequel elle lui était apparue, et dont les notes bondissantes la soulevaient, comme si elles eussent eu des ailes ; enfin, les esquisses qu’il faisait, c’était son portrait avec ce même collier de velours, étrange ornement fixé au cou d’Arsène par une si étrange agrafe.

Pendant toute la nuit, pendant toute la journée du lendemain, pendant toute la nuit et toute la journée du surlendemain, Hoffmann ne vit qu’une chose ou plutôt que