Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/173

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Danton était aussi introuvable qu’Arsène.

On eût cru peut-être que cette absence d’Arsène eût dû ramener Hoffmann à Antonia ; mais, chose étrange ! il n’en était rien. Hoffmann avait beau faire tous ses efforts pour ramener son esprit à la pauvre fille du chef d’orchestre de Mannheim : un instant, par la puissance de sa volonté, tous ses souvenirs se concentraient sur le cabinet de maître Gottlieb Murr ; mais, au bout d’un moment, partitions entassées sur les tables et sur les pianos, maître Gottlieb trépignant devant son pupitre, Antonia couchée sur son canapé, tout cela disparaissait pour faire place à un grand cadre éclairé, dans lequel se mouvaient d’abord des ombres ; puis ces ombres prenaient du corps, puis ces corps affectaient des formes mythologiques, puis enfin toutes ces formes mythologiques, tous ces héros, toutes ces nymphes, tous ces dieux, tous ces demi-dieux disparaissaient pour faire place à une seule déesse, à la déesse des jardins, à la belle Flore, c’est-à-dire à la divine Arsène, à la femme au collier de velours et à l’agrafe de diamans ; alors Hoffmann tombait non plus dans une rêverie, mais dans une extase dont il ne venait à sortir qu’en se rejetant dans la vie réelle, qu’en coudoyant les passans dans la rue, qu’en se roulant enfin dans la foule et dans le bruit.

Lorsque cette hallucination, à laquelle Hoffmann était en proie, devenait trop forte, il sortait donc, se laissait aller à la pente du quai, prenait le Pont-Neuf, et ne s’arrêtait presque jamais qu’au coin de la rue de la Monnaie. Là, Hoffmann avait trouvé un estaminet, rendez-vous des plus rudes fumeurs de la capitale. Là, Hoffmann pouvait se croire dans quelque taverne anglaise, dans quelque musico