Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/185

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La demande avait été faite d’un ton si calme et si froid, qu’Hoffmann se renversa en arrière, en appuyant les deux mains sur son front.

— Rien, rien, balbutia-t-il ; pardonnez-moi, je deviens fou.

— Oui, en effet, dit-elle.

— Voyons, s’écria Hoffmann, pourquoi m’avez-vous fait venir ? dites, dites !

— Mais pour que vous fassiez mon portrait, pas pour autre chose.

— Oh ! c’est bien, dit Hoffmann, oui, vous avez raison ; pour faire votre portrait, pas pour autre chose.

Et, imprimant une profonde secousse à sa volonté, Hoffmann posa sa toile sur le chevalet, prit sa palette, ses pinceaux, et commença d’esquisser l’enivrant tableau qu’il avait sous les yeux.

Mais l’artiste avait trop présumé de ses forces : lorsqu’il vit le voluptueux modèle posant, non-seulement dans son ardente réalité, mais encore reproduit par les mille glaces du boudoir ; quand, au lieu d’une Érigone, il se trouva au milieu de dix bacchantes ; lorsqu’il vit chaque miroir répéter ce sourire enivrant, reproduire les ondulations de cette poitrine que l’ongle d’or de la panthère ne couvrait qu’à moitié, il sentit qu’on demandait de lui au-delà des forces humaines, et, jetant palette et pinceaux, il s’élança vers la belle bacchante, et appuya sur son épaule un baiser où il y avait autant de rage que d’amour.

Mais, au même instant, la porte s’ouvrit, et la nymphe Eucharis se précipita dans le boudoir en criant :

— Lui ! lui ! lui !