Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/193

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— Bah ! dit Werner en riant, tu avais bien juré de lui être fidèle !

Hoffmann poussa un long soupir, et pressa le médaillon contre son cœur.

— Au jeu, mon ami ! continua Werner. Ah ! voilà une banque ! Ce n’est pas comme celle de Mannheim ou de Hambourg, qui menace de sauter pour quelques pauvres mille livres. Un million ! mon ami, un million ! des meules d’or ! C’est là que s’est réfugié, je crois, tout le numéraire de la France : pas de ces mauvais papiers, pas de ces pauvres assignats démonétisés, qui perdent les trois quarts de leur valeur… de beaux louis, de beaux doubles louis, de beaux quadruples ! Tiens, en veux-tu voir ?

Et Werner tira de sa poche une poignée de louis qu’il montra à Hoffmann, et dont les rayons rejaillirent à travers le miroir de ses yeux jusqu’au fond de son cerveau.

— Oh, non ! non ! jamais ! s’écria Hoffmann, se rappelant à la fois la prédiction du vieil officier et la prière d’Antonia, jamais je ne jouerai !

— Tu as tort ; avec le bonheur que tu as au jeu tu ferais sauter la banque.

— Et Antonia ! Antonia !

— Bah ! mon cher ami, qui le lui dira, à Antonia, que tu as joué, que tu as gagné un million ? qui le lui dira qu’avec vingt-cinq mille livres tu t’es passé la fantaisie de ta belle danseuse ? Crois-moi, retourne à Mannheim avec neuf cent soixante-quinze mille livres, et Antonia ne te demandera ni où tu as eu tes quarante-huit mille cinq cents livres de rentes, ni ce que tu as fait des vingt-cinq mille livres manquant.