Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/25

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nay, le marquis de Château-Giron, le marquis de Chalabre, le comte de Labédoyère, Bérard, l’homme des Elzévirs, qui, dans ses momens perdus, refit la Charte de 1830 ; le bibliophile Jacob, le savant Weiss de Besançon, l’universel Peignot de Dijon ; enfin les savans étrangers, qui, aussitôt leur arrivée à Paris, se faisaient présenter ou se présentaient seuls à ce cénacle, dont la réputation était européenne.

Là on consultait Nodier, l’oracle de la réunion ; là on lui montrait des livres ; là on lui demandait des notes : c’était sa distraction favorite. Quant aux savans de l’Institut, ils ne venaient guère à ces réunions ; ils voyaient Nodier avec jalousie. Nodier associait l’esprit et la poésie à l’érudition, et c’était un tort que l’Académie des sciences ne pardonne pas plus que l’Académie française.

Puis Nodier raillait souvent, Nodier mordait quelquefois. Un jour il avait fait le Roi de Bohême et ses sept châteaux ; cette fois-là, il avait emporté la pièce. On crut Nodier à tout jamais brouillé avec l’Institut. Pas du tout : l’Académie de Tombouctou fit entrer Nodier à l’Académie française.

On se doit quelque chose entre sœurs.

Après deux ou trois heures d’un travail toujours facile ; après avoir couvert dix ou douze pages de papier de six pouces de haut sur quatre de large, à peu près, d’une écriture lisible, régulière, sans rature aucune, Nodier sortait.

Une fois sorti, Nodier rôdait à l’aventure, suivant néanmoins presque toujours la ligne des quais, mais passant et repassant la rivière, selon la situation topographique des étalagistes ; puis des étalagistes il entrait dans les boutiques