Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/38

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans le pays de si méchans souvenirs, que les plus hardis se détournaient afin de ne pas mettre le pied sur sa tombe, et cela, non point par respect, mais par terreur. Au-dessus de cette tombe, à la suite d’un vœu fait par ce chevalier à son lit de mort, une lampe devait brûler nuit et jour, une pieuse fondation ayant été faite par le mort qui subvenait à cette dépense et bien au delà.

Un beau jour, ou plutôt une belle nuit, pendant laquelle, par hasard, le curé ne dormait pas, il vit de la fenêtre de sa chambre, qui donnait sur celle de l’église, la lampe pâlir et s’éteindre. Il attribua la chose à un accident et n’y fit pas cette nuit une grande attention.

Mais, la nuit suivante, s’étant réveillé vers les deux heures du matin, l’idée lui vint de s’assurer si la lampe brûlait. Il descendit de son lit, s’approcha de la fenêtre, et constata de visu que l’église était plongée dans la plus profonde obscurité.

Cet événement, reproduit deux fois en quarante-huit heures, prenait une certaine gravité. Le lendemain, au point du jour, le curé fit venir le bedeau, et l’accusa tout simplement d’avoir mis l’huile dans sa salade au lieu de l’avoir mise dans la lampe. Le bedeau jura ses grands dieux qu’il n’en était rien ; que tous les soirs, depuis quinze ans qu’il avait l’honneur d’être bedeau, il remplissait consciencieusement la lampe, et qu’il fallait que ce fût un tour de ce méchant chevalier qui, après avoir tourmenté les vivans pendant sa vie, recommençait à les tourmenter trois cents ans après sa mort.

Le curé déclara qu’il se fiait parfaitement à la parole du bedeau, mais qu’il n’en désirait pas moins assister le soir