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VI

LE SERMENT


Peut-être le lecteur se demandera-t-il, ou plutôt nous demandera-t-il, comment, la mère d’Antonia étant morte en chantant, maître Gottlieb Murr permettait que sa fille, c’est-à-dire que cette âme de son âme, courût le risque d’un danger semblable à celui auquel avait succombé la mère.

Et d’abord, quand il avait entendu Antonia essayer son premier chant, le pauvre père avait tremblé comme la feuille près de laquelle chante un oiseau. Mais c’était un véritable oiseau qu’Antonia, et le vieux musicien s’aperçut bientôt que le chant était sa langue naturelle. Aussi Dieu, en lui donnant une voix si étendue qu’elle n’avait peut-être pas son égale au monde, avait-il indiqué que sous ce rapport maître Gottlieb n’avait du moins rien à craindre ; en effet, quand à ce don naturel du chant s’était jointe l’étude de la musique, quand les difficultés les plus exagérées du solfège avaient été mises sous les yeux de la jeune fille et vaincues aussitôt avec une merveilleuse facilité, sans grimaces, sans efforts, sans une seule corde au cou, sans un seul clignotement d’yeux, il avait compris la perfection de l’instrument, et, comme Antonia, en chan-