Page:Dumas - La Reine Margot (1886), tome 2.djvu/213

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— Oui, à moi.

— Et comment est-il sorti de vos mains ?

— C’est Sa Majesté la reine mère qui l’a pris chez moi.

— La reine mère ! s’écria Charles.

— Oui.

— Mais dans quel but ?

— Dans le but, je crois, de le faire porter au roi de Navarre, qui avait demandé au duc d’Alençon un livre de ce genre pour étudier la chasse au vol.

— Oh ! s’écria Charles, c’est cela : je tiens tout. Ce livre, en effet, était chez Henriot. Il y a une destinée, et je la subis.

En ce moment Charles fut pris d’une toux sèche et violente, à laquelle succéda une nouvelle douleur d’entrailles.

Il poussa deux ou trois cris étouffés, et se renversa sur sa chaise.

— Qu’avez-vous, sire ? demanda René d’une voix épouvantée.

— Rien, dit Charles ; seulement j’ai soif, donnez-moi à boire.

René emplit un verre d’eau et le présenta d’une main tremblante à Charles, qui l’avala d’un seul trait.

— Maintenant, dit Charles prenant une plume et la trempant dans l’encre, écrivez sur ce livre.

— Que faut-il que j’écrive ?

— Ce que je vais vous dicter :

« Ce manuel de chasse au vol a été donné par moi à la reine mère Catherine de Médicis. »

René prit la plume et écrivit.

— Et maintenant signez.

Le Florentin signa.

— Vous m’avez promis la vie sauve, dit le parfumeur.

— Et, de mon côté, je vous tiendrai parole.

— Mais, dit René, du côté de la reine mère ?

— Oh ! de ce côté, dit Charles, cela ne me regarde plus ; si l’on vous attaque, défendez-vous.

— Sire, puis-je quitter la France quand je croirai ma vie menacée ?

— Je vous répondrai à cela dans quinze jours.

— Mais en attendant…

Charles posa, en fronçant le sourcil, son doigt sur ses lèvres livides.