Page:Dumas - La Reine Margot (1886), tome 2.djvu/216

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sièges de pierre destinés aux malheureux qui attendaient la torture faisaient à peu près le tour de la salle, et au-dessus de ces sièges, à ces sièges eux-mêmes, au pied de ces sièges, étaient des anneaux de fer scellés dans le mur, sans autre symétrie que celle de l’art tortionnaire. Mais leur proximité des sièges indiquait assez qu’ils étaient là pour attendre les membres de ceux qui seraient assis.

Henri continua son chemin sans dire une parole, mais ne perdant pas un détail de tout cet appareil hideux qui écrivait, pour ainsi dire, l’histoire de la douleur sur les murailles.

Cette attention à regarder autour de lui fit qu’Henri ne regarda point à ses pieds et trébucha.

— Eh ! dit-il, qu’est-ce donc que cela ?

Et il montrait une espèce de sillon creusé sur la dalle humide qui faisait le plancher.

— C’est la gouttière, sire.

— Il pleut donc ici ?

— Oui, sire, du sang.

— Ah ! ah ! dit Henri, fort bien. Est-ce que nous n’arriverons pas bientôt à ma chambre ?

— Si fait, Monseigneur, nous y sommes, dit une ombre qui se dessinait dans l’obscurité et qui devenait, à mesure qu’on s’approchait d’elle, plus visible et plus palpable.

Henri, qui croyait avoir reconnu la voix, fit quelques pas et reconnut la figure.

— Tiens ! c’est vous, Beaulieu, dit-il, et que diable faites-vous ici ?

— Sire, je viens de recevoir ma nomination au gouvernement de la forteresse de Vincennes.

— Eh bien, mon cher ami, votre début vous fait honneur ; un roi pour prisonnier, ce n’est point mal.

— Pardon, sire, reprit Beaulieu, mais avant vous j’ai déjà reçu deux gentilshommes.

— Lesquels ? Ah ! pardon, je commets peut-être une indiscrétion. Dans ce cas, prenons que je n’ai rien dit.

— Monseigneur, on ne m’a pas recommandé le secret. Ce sont MM. de La Mole et de Coconnas.

— Ah ! c’est vrai, je les ai vu arrêter, ces pauvres gentilshommes ; et comment supportent-ils ce malheur ?

— D’une façon tout opposée, l’un est gai, l’autre est triste ; l’un chante, l’autre gémit.