Page:Dumas - La Reine Margot (1886), tome 2.djvu/218

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— Eh ! mordi ! ouvrez donc, quand ce ne serait que pour donner de l’air. Votre poêle est tellement chaud qu’on étouffe ici.

Et Coconnas, qu’à son juron favori le lecteur a déjà reconnu sans doute, ne fit qu’un bond de l’endroit où il était jusqu’à la porte.

— Un instant, mon gentilhomme, dit le guichetier, je ne viens pas pour vous faire sortir, je viens pour entrer et monsieur le gouverneur me suit.

— Monsieur le gouverneur ! dit Coconnas, et que vient-il faire ?

— Vous visiter.

— C’est beaucoup d’honneur qu’il me fait, répondit Coconnas ; que monsieur le gouverneur soit le bienvenu.

M. de Beaulieu entra effectivement et comprima aussitôt le sourire cordial de Coconnas par une de ces politesses glaciales qui sont propres aux gouverneurs de forteresses, aux geôliers et aux bourreaux.

— Avez-vous de l’argent, Monsieur ? demanda-t-il au prisonnier.

— Moi, dit Coconnas, pas un écu !

— Des bijoux ?

— J’ai une bague.

— Voulez-vous permettre que je vous fouille ?

— Mordi ! s’écria Coconnas rougissant de colère, bien vous prend d’être en prison et moi aussi.

— Il faut tout souffrir pour le service du roi.

— Mais, dit le Piémontais, les honnêtes gens qui dévalisent sur le Pont-Neuf sont donc, comme vous, au service du roi ? Mordi ! j’étais bien injuste, Monsieur, car jusqu’à présent je les avais pris pour des voleurs.

— Monsieur, je vous salue, dit Beaulieu. Geôlier, enfermez Monsieur.

Le gouverneur s’en alla emportant la bague de Coconnas, laquelle était une fort belle émeraude que madame de Nevers lui avait donnée pour lui rappeler la couleur de ses yeux.

— À l’autre, dit-il en sortant.

On traversa une chambre vide, et le jeu des trois portes, des six serrures et des neuf verrous recommença.

La dernière porte s’ouvrit, et un soupir fut le premier bruit qui frappa les visiteurs.

La chambre était plus lugubre encore d’aspect que celle