Page:Dumas - La Reine Margot (1886), tome 2.djvu/250

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— Silence ! dit le président ; puis se retournant vers René : Cette figurine, continua-t-il, est-elle une figure d’homme ou de femme ?

— D’homme, répondit René.

Coconnas bondit comme s’il eût reçu une commotion électrique.

— D’homme ! dit-il.

— D’homme, répéta René, mais d’une voix si faible qu’à peine le président l’entendit.

— Et pourquoi cette statue d’homme a-t-elle un manteau sur les épaules et une couronne sur la tête ?

— Parce que cette statue représente un roi.

— Infâme menteur ! cria Coconnas exaspéré.

— Tais-toi, Coconnas, tais-toi, interrompit La Mole, laisse dire cet homme, chacun est maître de perdre son âme.

— Mais non pas le corps des autres, mordi !

— Et que voulait dire cette aiguille d’acier que la statue avait dans le cœur, avec la lettre M écrite sur une petite bannière ?

— L’aiguille simulait l’épée ou le poignard, la lettre M veut dire mort.

Coconnas fit un mouvement pour étrangler René, quatre gardes le retinrent.

— C’est bien, dit le procureur Laguesle, le tribunal est suffisamment renseigné. Reconduisez les prisonniers dans les chambres d’attente.

— Mais, s’écriait Coconnas, il est impossible de s’entendre accuser de pareilles choses sans protester.

— Protestez, Monsieur, on ne vous en empêche pas. Gardes, vous avez entendu ?

Les gardes s’emparèrent des deux accusés et les firent sortir, La Mole par une porte, Coconnas par l’autre.

Puis le procureur fit signe à cet homme que Coconnas avait aperçu dans l’ombre et lui dit :

— Ne vous éloignez pas, maître, vous aurez de la besogne cette nuit.

— Par lequel commencerai-je, Monsieur ? demanda l’homme en mettant respectueusement le bonnet à la main.

— Par celui-ci, dit le président en montrant La Mole qu’on apercevait encore comme une ombre entre les deux gardes ; puis s’approchant de René, qui était resté debout et