Page:Dumas - La Reine Margot (1886), tome 2.djvu/259

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Le patient resta seul avec Caboche.

— Eh bien ! lui demanda celui-ci, comment allons-nous, mon gentilhomme ?

— Ah ! mon ami ! mon brave ami, mon cher Caboche ! dit Coconnas, sois certain que je serai reconnaissant toute ma vie de ce que tu viens de faire pour moi.

— Peste ! vous avez raison, Monsieur, car si on savait ce que j’ai fait pour vous, c’est moi qui prendrais votre place sur ce chevalet, et on ne me ménagerait point, moi, comme je vous ai ménagé.

— Mais comment as-tu eu l’ingénieuse idée…

— Voilà, dit Caboche tout en entortillant les jambes de Coconnas dans des linges ensanglantés : j’ai su que vous étiez arrêté, j’ai su qu’on faisait votre procès, j’ai su que la reine Catherine voulait votre mort ; j’ai deviné qu’on vous donnerait la question, et j’ai pris mes précautions en conséquence.

— Au risque de ce qui pouvait arriver ?

— Monsieur, dit Caboche, vous êtes le seul gentilhomme qui m’ait donné la main, et l’on a de la mémoire et un cœur, tout bourreau qu’on est, et peut-être même parce qu’on est bourreau. Vous verrez demain comme je ferai proprement ma besogne.

— Demain ? dit Coconnas.

— Sans doute, demain.

— Quelle besogne ?

Caboche regarda Coconnas avec stupéfaction.

— Comment, quelle besogne ? avez-vous donc oublié l’arrêt ?

— Ah ! oui, en effet, l’arrêt, dit Coconnas, je l’avais oublié.

Le fait est que Coconnas ne l’avait point oublié, mais qu’il n’y pensait pas.

Ce à quoi il pensait, c’était à la chapelle, au couteau caché sous la nappe sacrée, à Henriette et à la reine, à la porte de la sacristie et aux deux chevaux attendant à la lisière de la forêt ; ce à quoi il pensait, c’était à la liberté, c’était à la course en plein air, c’était à la sécurité au delà des frontières de France.

— Maintenant, dit Caboche, il s’agit de vous faire passer adroitement du chevalet sur la litière. N’oubliez pas que