Page:Dumas - La Reine Margot (1886), tome 2.djvu/276

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s’écria Marguerite en courant à son amie, qu’elle retrouva debout comme si un ressort venait de la remettre sur ses pieds ; Henriette, mon ange, entends-tu ce qu’il dit, cet homme ?

— Oui. Eh bien ! que faut-il faire ?

— Il faut aller avec lui.

Puis poussant un cri de douleur avec lequel les grandes infortunes se reprennent à la vie :

— Ah ! j’étais cependant si bien, dit-elle : j’étais presque morte.

Pendant ce temps, Marguerite jetait sur ses épaules nues un manteau de velours.

— Viens, viens, dit-elle, nous allons les revoir encore une fois.

Marguerite fit fermer toutes les portes, ordonna que l’on amenât la litière à la petite porte dérobée ; puis, prenant Henriette sous le bras, descendit par le passage secret, faisant signe à Caboche de les suivre.

À la porte d’en bas était la litière, au guichet était le valet de Caboche avec une lanterne.

Les porteurs de Marguerite étaient des hommes de confiance muets et sourds, plus sûrs que ne l’eussent été des bêtes de somme.

La litière marcha pendant dix minutes à peu près, précédée de maître Caboche et de son valet portant la lanterne ; puis elle s’arrêta.

Le bourreau ouvrit la portière tandis que le valet courait devant.

Marguerite descendit, aida la duchesse de Nevers à descendre. Dans cette grande douleur qui les étreignait toutes deux, c’était cette organisation nerveuse qui se trouvait être la plus forte.

La tour du Pilori se dressait devant les deux femmes comme un géant sombre et informe, envoyant une lumière rougeâtre par deux sarbacanes qui flamboyaient à son sommet.

Le valet reparut sur la porte.

— Vous pouvez entrer, Mesdames, dit Caboche, tout le monde est couché dans la tour.

Au même moment la lumière des deux meurtrières s’éteignit.