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C’était la première fois que la reine et l’astrologue se revoyaient depuis la visite que la reine lui avait faite à sa boutique du pont Saint-Michel ; seulement, la veille, la reine lui avait écrit, et c’était la réponse à ce billet que René lui apportait en personne.

— Eh bien ! lui demanda la reine, l’avez-vous vu ?

— Oui.

— Comment va-t-il ?

— Plutôt mieux que plus mal.

— Et peut-il parler ?

— Non, l’épée a traversé le larynx.

— Je vous avais dit en ce cas de le faire écrire ?

— J’ai essayé, lui-même a réuni toutes ses forces ; mais sa main n’a pu tracer que deux lettres presque illisibles, puis il s’est évanoui : la veine jugulaire a été ouverte, et le sang qu’il a perdu lui a ôté toutes ses forces.

— Avez-vous vu ces lettres ?

— Les voici.

René tira un papier de sa poche et le présenta à Catherine, qui le déplia vivement.

— Un M et un O, dit-elle… Serait-ce décidément ce La Mole, et toute cette comédie de Marguerite ne serait-elle qu’un moyen de détourner les soupçons ?

— Madame, dit René, si j’osais émettre mon opinion dans une affaire où Votre Majesté hésite à former la sienne, je lui dirais que je crois M. de La Mole trop amoureux pour s’occuper sérieusement de politique.

— Vous croyez ?

— Oui, surtout trop amoureux de la reine de Navarre pour servir avec dévouement le roi, car il n’y a pas de véritable amour sans jalousie.

— Et vous le croyez donc tout à fait amoureux ?

— J’en suis sûr.

— Aurait-il eu recours à vous ?

— Oui.

— Et il vous a demandé quelque breuvage, quelque philtre ?

— Non, nous nous en sommes tenus à la figure de cire.

— Piquée au cœur ?

— Piquée au cœur.

— Et cette figure existe toujours ?

— Oui.