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LA REINE MARGOT.

— C’est que… c’est que…

— Eh bien ?

— C’est que, dit la reine en riant, si la pierre dont parlait mon frère Charles était historique, je m’abstiendrais.

— Bon ! s’écria Henriette, tu as choisi un huguenot. Eh bien ! sois tranquille ! pour rassurer ta conscience, je te promets d’en choisir un à la première occasion.

— Ah ! il paraît que cette fois tu as pris un catholique ?

— Mordi ! reprit la duchesse.

— Bien, bien ! je comprends.

— Et comment est-il notre huguenot ?

— Je ne l’ai pas choisi ; ce jeune homme ne m’est rien, et ne me sera probablement jamais rien.

— Mais enfin, comment est-il ? cela ne t’empêche pas de me le dire, tu sais combien je suis curieuse.

— Un pauvre jeune homme beau comme le Nisus de Benvenuto Cellini… et qui s’est venu réfugier dans mon appartement.

— Oh ! oh !… et tu ne l’avais pas un peu convoqué ?

— Pauvre garçon ! Ne ris donc pas ainsi, Henriette, car en ce moment il est encore entre la vie et la mort.

— Il est donc malade ?

— Il est grièvement blessé.

— Mais c’est très-gênant, un huguenot blessé ! surtout dans des jours comme ceux où nous nous trouvons ; et qu’en fais-tu de ce huguenot blessé qui ne t’est rien et ne te sera jamais rien ?

— Il est dans mon cabinet ; je le cache, et je veux le sauver.

— Il est beau, il est jeune, il est blessé. Tu le caches dans ton cabinet, tu veux le sauver ; ce huguenot-là sera bien ingrat s’il n’est pas trop reconnaissant !

— Il l’est déjà, j’en ai bien peur… plus que je ne le désirerais.

— Et il t’intéresse… ce pauvre jeune homme ?

— Par humanité… seulement.

— Ah ! l’humanité, ma pauvre reine ! c’est toujours cette vertu-là qui nous perd, nous autres femmes !

— Oui, et tu comprends : comme d’un moment à l’autre le roi, le duc d’Alençon, ma mère, mon mari même… peuvent entrer dans mon appartement…