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LA REINE MARGOT.

pas encore tout à fait libre, sire, je vous prierai de parler moins haut.

— Oh ! oh ! dit Henri, moitié riant, moitié assombri, c’est vrai ; j’oubliais que ce n’est probablement pas moi qui suis destiné à jouer la fin de cette scène intéressante. Ce cabinet…

— Entrons-y, sire, dit Marguerite, car je veux avoir l’honneur de présenter à Votre Majesté un brave gentilhomme blessé pendant le massacre, en venant avertir jusque dans le Louvre Votre Majesté du danger qu’elle courait.

La reine s’avança vers la porte. Henri suivit sa femme.

La porte s’ouvrit, et Henri demeura stupéfait en voyant un homme dans ce cabinet prédestiné aux surprises.

Mais La Mole fut plus surpris encore en se trouvant inopinément en face du roi de Navarre. Il en résulta que Henri jeta un coup d’œil ironique à Marguerite, qui le soutint à merveille.

— Sire, dit Marguerite, j’en suis réduite à craindre qu’on ne tue dans mon logis même ce gentilhomme, qui est dévoué au service de Votre Majesté, et que je mets sous sa protection.

— Sire, reprit alors le jeune homme, je suis le comte Lerac de La Mole, que Votre Majesté attendait, et qui vous avait été recommandé par ce pauvre M. de Téligny, qui a été tué à mes côtés.

— Ah ! ah ! fit Henri, en effet, Monsieur, et la reine m’a remis sa lettre ; mais n’aviez-vous pas aussi une lettre de M. le gouverneur du Languedoc ?

— Oui, sire, et recommandation de la remettre à Votre Majesté aussitôt mon arrivée.

— Pourquoi ne l’avez-vous pas fait ?

— Sire, je me suis rendu au Louvre dans la soirée d’hier ; mais Votre Majesté était tellement occupée, qu’elle n’a pu me recevoir.

— C’est vrai, dit le roi ; mais vous eussiez pu, ce me semble, me faire passer cette lettre ?

— J’avais ordre, de la part de M. d’Auriac, de ne la remettre qu’à Votre Majesté elle-même ; car elle contenait, m’a-t-il assuré, un avis si important, qu’il n’osait le confier à un messager ordinaire.

— En effet, dit le roi en prenant et en lisant la lettre,