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LA REINE MARGOT.

pont Saint-Michel, nous soupions chez maître La Hurière.

— D’abord, demanda Marguerite avec un naturel parfait, qu’est-ce que maître La Hurière ?

— Maître La Hurière, Madame, dit la Mole en regardant une seconde fois Marguerite avec cet air de doute qu’on avait déjà pu remarquer une première fois chez lui, maître La Hurière est le maître de l’hôtellerie de la Belle-Étoile, située rue de l’Arbre-Sec.

— Bien ; je vois cela d’ici… Vous soupiez donc chez maître La Hurière, avec votre ami Coconnas, sans doute ?

— Oui, Madame, avec mon ami Coconnas, quand un homme entra et nous remit à chacun un billet.

— Pareil ? demanda Marguerite.

— Exactement pareil. Cette ligne seulement :

« Vous êtes attendu rue Saint-Antoine, en face de la rue de Jouy. »

— Et pas de signature au bas de ce billet ? demanda Marguerite.

— Non ; mais trois mots, trois mots charmants qui promettaient trois fois la même chose ; c’est-à-dire un triple bonheur.

— Et quels étaient ces trois mots ?

Eros, Cupido, Amor.

— En effet, ce sont trois doux noms ; et ont-ils tenu ce qu’ils promettaient ?

— Oh ! plus, Madame, cent fois plus ! s’écria La Mole avec enthousiasme.

— Continuez ; je suis curieuse de savoir ce qui vous attendait rue Saint-Antoine, en face de la rue de Jouy.

— Deux duègnes avec chacune un mouchoir à la main. Il s’agissait de nous laisser bander les yeux. Votre Majesté devine que nous n’y fîmes point de difficulté. Nous tendîmes bravement le cou. Mon guide me fit tourner à gauche, le guide de mon ami le fit tourner à droite, et nous nous séparâmes.

— Et alors ? continua Marguerite, qui paraissait décidée à pousser l’investigation jusqu’au bout.

— Je ne sais, reprit La Mole, où mon guide conduisit mon ami. En enfer, peut-être. Mais quant à moi, ce que je sais, c’est que le mien me mena en un lieu que je tiens pour le paradis.