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LA REINE MARGOT.

— Mais enfin, reprit Marguerite oppressée, où voulez-vous en venir, Monsieur ?

— J’en veux venir à ce que je vous ai dit : c’est que si vous vous faites, je ne dirai pas mon amie, mais mon alliée, je puis tout braver ; tandis qu’au contraire, si vous vous faites mon ennemie, je suis perdu.

— Oh ! votre ennemie, jamais, Monsieur ! s’écria Marguerite.

— Mais mon amie, jamais non plus ?…

— Peut-être.

— Et mon alliée ?

— Certainement.

Et Marguerite se retourna et tendit la main au roi.

Henri la prit, la baisa galamment, et la gardant dans les siennes bien plus dans un désir d’investigation que par un sentiment de tendresse :

— Eh bien ! je vous crois, Madame, dit-il, et vous accepte pour alliée. Ainsi donc on nous a mariés sans que nous nous connussions, sans que nous nous aimassions ; on nous a mariés sans nous consulter, nous qu’on mariait. Nous ne nous devons donc rien comme mari et femme. Vous voyez, Madame, que je vais au-devant de vos vœux, et que je vous confirme ce soir ce que je vous disais hier. Mais nous, nous nous allions librement, sans que personne nous y force ; nous, nous nous allions comme deux cœurs loyaux qui se doivent protection mutuelle et s’allient ; c’est bien comme cela que vous l’entendez ?

— Oui, Monsieur, dit Marguerite en essayant de retirer sa main.

— Eh bien ! continua le Béarnais les yeux toujours fixés sur la porte du cabinet, comme la première preuve d’une alliance franche est la confiance la plus absolue, je vais, Madame, vous raconter dans ses détails les plus secrets le plan que j’ai formé à l’effet de combattre victorieusement toutes ces inimitiés.

— Monsieur… murmura Marguerite en tournant à son tour et malgré elle les yeux vers le cabinet, tandis que le Béarnais, voyant sa ruse réussir, souriait dans sa barbe.

— Voici donc ce que je vais faire, continua-t-il sans paraître remarquer le trouble de la jeune femme ; je vais…

— Monsieur, s’écria Marguerite en se levant vivement et