Page:Dumas - La Tulipe noire (1892).djvu/113

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— D’ailleurs, continua Rosa, l’opinion publique veut que vous le soyez, coupable. Mais enfin, coupable ou non, votre procès commencera demain ; après-demain, vous serez condamné : les choses vont vite par le temps qui court.

— Eh bien, que concluez-vous de tout ceci, mademoiselle ?

— J’en conclus que je suis seule, que je suis faible, que mon père est évanoui, que le chien est muselé, que rien par conséquent ne vous empêche de vous sauver. Sauvez-vous donc, voilà ce que je conclus.

— Que dites-vous ?

— Je dis que je n’ai pu sauver monsieur Corneille ni monsieur Jean de Witt, hélas ! et que je voudrais bien vous sauver, vous. Seulement, faites vite ; voilà la respiration qui revient à mon père, dans une minute peut-être il rouvrira les yeux, et il sera trop tard. Vous hésitez ?

En effet, Cornélius demeurait immobile, regardant Rosa, mais comme s’il la regardait sans l’entendre.

— Ne comprenez-vous pas ? fit la jeune fille impatiente.

— Si fait, je comprends, fit Cornélius ; mais…

— Mais ?

— Je refuse. On vous accuserait.

— Qu’importe ? dit Rosa en rougissant.

— Merci, mon enfant, reprit Cornélius, mais je reste.

— Vous restez ! Mon Dieu ! mon Dieu ! N’avez-vous donc pas compris que vous serez condamné… condamné à mort, exécuté sur un échafaud et peut-être assassiné, mis en morceaux comme on a assassiné et mis en morceaux monsieur Jean et monsieur Corneille ? Au nom du Ciel, ne vous