Page:Dumas - La Tulipe noire (1892).djvu/158

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C’est qu’en effet chaque soir à neuf heures Rosa avait promis de venir causer avec le cher prisonnier, et dès le premier soir, Rosa, nous l’avons vu, avait tenu parole.

Le lendemain, elle monta comme la veille, avec le même mystère et les mêmes précautions. Seulement elle s’était promis à elle-même de ne pas trop approcher sa figure du grillage. D’ailleurs, pour entrer du premier coup dans une conversation qui pût occuper sérieusement van Baerle, elle commença par lui tendre à travers le grillage ses trois caïeux toujours enveloppés dans le même papier.

Mais, au grand étonnement de Rosa, van Baerle repoussa sa blanche main du bout de ses doigts.

Le jeune homme avait réfléchi.

— Écoutez-moi, dit-il, nous risquerions trop, je crois, de mettre toute notre fortune dans le même sac. Songez qu’il s’agit, ma chère Rosa, d’accomplir une entreprise que l’on regarde jusqu’aujourd’hui comme impossible. Il s’agit de faire fleurir la grande tulipe noire. Prenons donc toutes nos précautions, afin, si nous échouons, de n’avoir rien à nous reprocher. Voici comment j’ai calculé que nous parviendrions à notre but.

Rosa prêta toute son attention à ce qu’allait lui dire le prisonnier, et cela plus pour l’importance qu’y attachait le malheureux tulipier que pour l’importance qu’elle y attachait elle-même.

— Voilà, continua Cornélius, comment j’ai calculé notre commune coopération à cette grande affaire.

— J’écoute, dit Rosa.

— Vous avez bien dans cette forteresse un petit jardin, à défaut de jardin une cour quelconque, à défaut de cour une terrasse.