Page:Dumas - La Tulipe noire (1892).djvu/226

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Mais il était trop tard, Boxtel avait appris, de la bouche même du prisonnier, l’existence du second caïeu.

Dupe de la ruse de Rosa, qui avait fait semblant de l’enfouir dans la plate-bande, et ne doutant pas que cette petite comédie n’eût été jouée pour le forcer à se trahir, il redoubla de précautions et mit en jeu toutes les ruses de son esprit pour continuer à épier les autres sans être épié lui-même.

Il vit Rosa transporter un grand pot de faïence de la cuisine de son père dans sa chambre.

Il vit Rosa laver, à grande eau, ses belles mains pleines de terre qu’elle avait pétrie pour préparer à la tulipe le meilleur lit possible.

Enfin, il loua, dans un grenier, une petite chambre juste en face de la fenêtre de Rosa ; assez éloignée pour qu’on ne pût pas le reconnaître à l’œil nu, mais assez proche pour qu’à l’aide de son télescope il pût suivre tout ce qui se passait à Lœvestein dans la chambre de la jeune fille, comme il avait suivi à Dordrecht tout ce qui se passait dans le séchoir de Cornélius.

Il n’était pas installé depuis trois jours dans son grenier, qu’il n’avait plus aucun doute.

Dès le matin au soleil levant, le pot de faïence était sur la fenêtre, et pareille à ces charmantes femmes de Mieris et de Metzu, Rosa apparaissait à cette fenêtre encadrée par les premiers rameaux verdissants de la vigne vierge et du chèvrefeuille.

Rosa regardait le pot de faïence d’un œil qui dénonçait à Boxtel la valeur réelle de l’objet renfermé dans le pot.

Ce que renfermait le pot, c’était donc le deuxième caïeu, c’est-à-dire la suprême espérance du prisonnier.