Page:Dumas - La Tulipe noire (1892).djvu/257

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Oui, monsieur, murmura Rosa éperdue ; oui, je suis forcée de l’avouer, je le voyais tous les jours.

— Malheureuse ! s’écria M. van Systens.

Le prince leva la tête en observant l’effroi de Rosa et la pâleur du président.

— Cela, dit-il de sa voix nette et fermement accentuée, cela ne regarde pas les membres de la Société horticole ; ils ont à juger de la tulipe noire et ne connaissent pas les délits politiques. Continuez, jeune fille, continuez.

Van Systens, par un éloquent regard, remercia au nom des tulipes le nouveau membre de la Société horticole.

Rosa, rassurée par cette espèce d’encouragement que lui avait donné l’inconnu, raconta tout ce qui s’était passé depuis trois mois, tout ce qu’elle avait fait, tout ce qu’elle avait souffert. Elle parla des duretés de Gryphus, de la destruction du premier caïeu, de la douleur du prisonnier, des précautions prises pour que le second caïeu arrivât bien, de la patience du prisonnier, de ses angoisses pendant leur séparation ; comment il avait voulu mourir de faim parce qu’il n’avait plus de nouvelles de sa tulipe ; de la joie qu’il avait éprouvée à leur réunion, enfin de leur désespoir à tous deux lorsqu’ils avaient su que la tulipe qui venait de fleurir leur avait été volée une heure après sa floraison.

Tout cela était dit avec un accent de vérité qui laissait le prince impassible, en apparence du moins, mais qui ne laissait pas de faire son effet sur M. van Systens.

— Mais, dit le prince, il n’y a pas longtemps que vous connaissez ce prisonnier ?

Rosa ouvrit ses grands yeux et regarda l’inconnu, qui