Page:Dumas - La Tulipe noire (1892).djvu/285

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Comme Gryphus allait applaudir à ce supplice, à ce supplice, vengeance féroce d’un acte éminemment juste, que Cornélius avait la conscience d’avoir accompli comme un devoir !

Mais Rosa, la pauvre fille, s’il ne la voyait pas, s’il allait mourir sans lui avoir donné le dernier baiser ou tout au moins le dernier adieu !

S’il allait mourir enfin, sans avoir aucune nouvelle de la grande tulipe noire, et se réveiller là-haut, sans savoir de quel côté il fallait tourner les yeux pour la retrouver !

En vérité, pour ne pas fondre en larmes dans un pareil moment, le pauvre tulipier avait plus d’æs triplex autour du cœur qu’Horace n’en attribue au navigateur qui le premier visita les infâmes écueils acrocérauniens.

Cornélius eut beau regarder à droite, Cornélius eut beau regarder à gauche, il arriva sur l’esplanade sans avoir aperçu Rosa, sans avoir aperçu Gryphus.

Il y avait presque compensation.

Cornélius, arrivé sur l’esplanade, chercha bravement des yeux les gardes ses exécuteurs, et vit en effet une douzaine de soldats rassemblés et causant.

Mais rassemblés et causant sans mousquets, rassemblés et causant sans être alignés ;

Chuchotant même entre eux plutôt qu’ils ne causaient, conduite qui parut à Cornélius indigne de la gravité qui préside d’ordinaire à de pareils événements.

Tout à coup Gryphus clopinant, chancelant, s’appuyant sur une béquille, apparut hors de sa geôle. Il avait allumé pour un dernier regard de haine tout le feu de ses vieux yeux gris de chat. Alors il se mit à vomir contre Cornélius