noire… est-ce possible ? Oh ! monsieur, l’avez-vous vue ? Elle doit avoir des taches, elle doit être imparfaite, elle est peut-être teinte en noir seulement ; oh ! si j’étais là je saurais bien le dire, moi, monsieur ; laissez-moi descendre, laissez-moi la voir de près, je vous prie.
— Êtes-vous fou, monsieur, le puis-je ?
— Je vous en supplie.
— Mais vous oubliez que vous êtes prisonnier ?
— Je suis prisonnier, il est vrai, mais je suis un homme d’honneur ; et sur mon honneur, monsieur, je ne me sauverai pas ; je ne tenterai pas de fuir ; laissez-moi seulement regarder la fleur !
— Mais mes ordres, monsieur ?
Et l’officier fit un nouveau mouvement pour ordonner au soldat de se remettre en route.
Cornélius l’arrêta encore.
— Oh ! soyez patient, soyez généreux, toute ma vie repose sur un mouvement de votre pitié. Hélas ! ma vie, monsieur, elle ne sera probablement pas longue maintenant. Ah ! vous ne savez pas, monsieur, ce que je souffre ; vous ne savez pas, monsieur, tout ce qui se combat dans ma tête et dans mon cœur ; car enfin, continua Cornélius avec désespoir, si c’était ma tulipe à moi, si c’était celle que l’on a volée à Rosa. Oh ! monsieur, comprenez-vous bien ce que c’est que d’avoir trouvé la tulipe noire, de l’avoir vue un instant, d’avoir reconnu qu’elle était parfaite, que c’était à la fois un chef-d’œuvre de l’art et de la nature, et de la perdre, de la perdre à tout jamais. Oh ! il faut que je sorte, monsieur, il faut que j’aille la voir, vous me tuerez après si vous voulez, mais je la verrai, je la verrai.