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LA VILLA PALMIERI.

Mais, pendant que la statue s’exécutait, un des étais de bois qui soutenaient la colonne s’était pourri à l’humidité. Personne ne s’en était aperçu que le pauvre monolithe qui sentait bien qu’un de ses soutiens lui manquait ; or, comme ce soutien était justement celui du milieu, on trouva un beau matin la colonne rompue ; elle avait craqué pendant la nuit.

Cet accident arrivait à merveille : Francesco Ier venait de reprendre Bianca Capello, dont il était plus amoureux que jamais, et qu’il songeait sérieusement à faire grande-duchesse ; il se hâla donc d’en profiter. La statue de Jeanne d’Autriche, devenue l’image de la statue de la…, fut transportée au jardin Boboli, derrière le palais Royal et proche du cavalier. La colonne fut enterrée, et le dé resta seul debout.

Or comme, quelque cent ans après, ce dé gênait l’entrée de l’épouse de Cosme III, madame Louise d’Orléans, ce dé, à cette époque, disparut lui-même à son tour.

Le malheureux marbre était mort et enterré, personne ne pensait plus à lui, et, selon toute probabilité, lui-même ne pensait plus à personne, lorsque la grande-duchesse, que l’on croyait stérile, se déclara un beau matin enceinte. Or, comme cet événement avait tous les caractères d’un miracle, le grand-duc voulut savoir à quel saint il était redevable d’un héritier : la grande-duchesse répondit que ne sachant plus à qui s’adresser et désespérant comme son auguste époux de jamais donner un héritier au trône florentin, elle s’était adressée à saint Antonio, qui, étant un saint de nouvelle date, avait besoin d’établir son crédit par quelque miracle aussi incroyable qu’incontesté. Saint Antonio avait profité de l’occasion, et, selon les paroles de l’Évangile, il avait prouvé, en accordant à la grande-duchesse la demande qu’elle lui avait faite, que les derniers étaient les premiers.

Comme Florence est, en matière matrimoniale surtout, le pays de la foi, non seulement tout le monde se contenta de cette raison, mais encore elle eut un tel succès, qu’il se fit par toute la cité une grande recrudescence de dévotion à saint Antonio. Un prêtre, nommé Felizio Pizziche, profita aussitôt de ce mouvement, et proposa, à la fin d’un sermon tout à la louange du bienheureux dominicain, d’élever un