Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/126

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teur enterré à Saint-Marc. Je demandai à mon cirérone ce qui avait mérité au pauvre Ulysse Tacchinardi ce grand honneur. Il me répondit que la famille avait payé 25 écus. Voilà tout.

En effet, moyennant 25 écus, tout catholique a droit de se faire enterrer au couvent de Saint-Marc. Comme on le voit, c’est pour rien ; et tout ce qui m’étonne, c’est que le terrain puisse y suffire : ce qui n’arriverait certainement pas si chaque mort se réservait une place aussi exorbitante que celle qu’a prise, pour l’exécution de son tableau, il signor Gazzanini.

Les deux grands souvenirs du couvent de Saint-Marc se rattachent à la mémoire de Beato Angelico et de Jérôme Savonarole.

L’un y a conservé la réputation d’un saint, l’autre y est regardé comme un martyr.

Il y a bien aussi un certain Antonio qui fut canonisé vers 1465 ; mais personne n’y pense, et on n’en parle aux curieux que pour mention.

Nous possédons au Musée de Paris un des tableaux de Beato Angelico, qu’on a relégué, je ne sais pourquoi, dans la salle des dessins, où personne ne va, et qui représente le Couronnement de la Vierge, l’un des sujets favoris du pieux artiste : c’est tout bonnement un chef-d’œuvre.

Beato Angelico est le chef de l’école idéaliste. Chez lui, rien ne se rattache à la terre, toutes les femmes sont des vierges, tous les enfans des anges : forcé de peindre sans modèle, ses créations sont des rêves de son extase. Le dessin y perd sans doute ; mais le sentiment y gagne.

Aussi la peinture de Beato Angelico est-elle de cette peinture qu’il ne faut pas juger, mais sentir ; quiconque ne tombe pas à genoux devant elle est tout prêt à hausser les épaules en lui tournant le dos.

Devant un jury de peintres, ses tableaux ne seraient probablement pas admis à l’exposition.

Si j’étais roi, j’en recueillerais tout ce qu’il me serait possible d’acheter ; je leur ferais faire des cadres d’or, et j’en tapisserais ma chapelle.

Beato Angelico fut appelé deux fois à Rome par deux pa-