Page:Dumas - La Villa Palmieri.djvu/268

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— Oh ! mal, très mal, sans espoir ; dites-le-lui et remerciez-le.

Au lieu de partir sur cette réponse, le valet de chambre resta un instant immobile et hésitant.

— Eh bien ! mon ami, lui demandai-je, qu’y a-t-il ?

— Il y a, monsieur, que je ne sais si je dois vous le dire, mais vous seriez peut-être fâché que je ne vous le disse pas. Il y a que le prince est ici.

— Où cela ?

— À la porte de la rue, dans sa voiture.

Je courus. La portière était ouverte. Il me tendit les deux mains. Je posai ma tête sur ses genoux et je pleurai.

Il avait cru que ma mère demeurait avec moi rue de Rivoli. Il avait monté mes quatre étages, et ne m’ayant point trouvé, il m’avait suivi au fond du faubourg du Roule.

Il me disait cela pour excuser son retard, pauvre prince au noble cœur !

Je ne sais pas combien de temps je restai là. Tout ce que je sais, c’est que la nuit était belle et sereine, et que, par le carreau de l’autre portière, je voyais à travers mes larmes briller les étoiles du ciel.

Six mois après c’était lui qui pleurait à son tour, c’était moi qui lui rendais la visite funèbre qu’il m’avait faite. La princesse Marie, morte en dessinant un tombeau, était allée l’annoncer au ciel.

Et aujourd’hui, à son tour, c’est lui que nous pleurons.

Oh ! quand la mort choisit, elle choisit bien.

Cette première grande douleur de ma vie, je viens de la raconter.

Au reste, je dois le dire, pauvre prince ! Personne moins que lui ne comptait sur l’avenir ; on eût dit qu’il avait en tout enfant quelque révélation de sa mort prochaine. Il doutait toujours de cette haute fortune où chacun lui répétait qu’il était appelé.

J’arrivai à Paris quelques jours après l’attentat Quenisset. Je courus au pavillon Marsan. C’était d’ordinaire ma première visite quand j’arrivais, ma dernière visite quand je partais.

— Ah ! vous voilà, voyageur éternel, me dit-il.