Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/141

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afin d’achever, s’il était possible dans la journée, le susdit dessin. Je prévins le capitaine que je désirais partir le lendemain au point du jour ; il me demanda alors mon passe-port pour y faire apposer un nouveau visa, et me promit d’être prêt, lui et tout son monde, pour le moment que je désirais. Quant à moi, n’ayant rien de mieux à faire, je pris la route de Scylla pour me mettre en quête de Jadin.

La distance de San Giovanni à Scylla est de cinq milles à peu près, mais cette distance est fort raccourcie par le pittoresque du chemin, qui côtoie presque toujours la mer et se déploie entre des haies de cactus, de grenadiers et d’aloès ; que domine de temps en temps quelque noyer ou quelque châtaignier à l’épais feuillage, sous l’ombre duquel étaient presque toujours assis un petit berger et son chien, tandis que les trois ou quatre chèvres dont il avait la garde grimpaient capricieusement à quelque rocher voisin, ou s’élevaient sur leurs pattes de derrière pour atteindre les premières branches d’un arbousier ou d’un chêne vert. De temps en temps aussi je rencontrais sur la route, et par groupes de deux ou trois, des jeunes filles de Scylla, à la taille élevée, au visage grave, aux cheveux ornés de bandelettes rouges et blanches, comme celles que l’on retrouve sur les portraits des anciennes Romaines ; qui allaient à San-Giovanni, portant des paniers de fruits ou des cruches de lait de chèvre sur leur tête ; qui s’arrêtaient pour me regarder passer, comme elles auraient fait d’un animal quelconque qui leur eût été inconnu, et qui, pour la plupart du temps, se mettaient à rire tout haut, et sans gêne aucune, de mon costume, qui, entièrement sacrifié à ma plus grande commodité, leur paraissait sans doute fort hétéroclite en comparaison du costume élégant que porte le paysan calabrais.

À trois ou quatre cents pas en avant de Scylla, je trouvai Jadin établi sous son parasol, ayant Milord à ses pieds, et son mousse à côté de lui ; ils formaient le centre d’un groupe de paysans et de paysannes calabrais, qu’on avait toutes les peines du monde à tenir ouvert du côté de la ville, et qui, se rapprochant toujours par curiosité, finissait de dix minutes en dix minutes par former un rideau venant entre le peintre et le paysage. Alors Jadin faisait ce que