Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/151

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dessus de ma tête, et par le cri bien connu de : Burrasca ! burrasca ! J’essayai de me mettre sur mes genoux, ce qui ne me fut pas chose facile, relativement au mouvement d’oscillation imprimé au bâtiment ; mais enfin j’y parvins, et, curieux de savoir ce qui se passait, je me traînai jusqu’à la porte de derrière de la cabine, qui donnait sur l’espace réservé au pilote. Je fus bientôt au fait : au moment où je l’ouvrais, une vague qui demandait à entrer juste au moment où je voulais sortir m’attrapa en pleine poitrine, et m’envoya bientôt à trois pas en arrière, couvert d’eau et d’écume. Je me relevai, mais il y avait inondation complète dans la cabine ; j’appelai Jadin pour qu’il m’aidât à sauver nos lits du déluge.

Jadin accourut accompagné du mousse, qui portait une lanterne, tandis que Nunzio, qui avait l’œil à tout, tirait à lui la porte de la cabine, afin qu’une seconde vague ne submergeât point tout à fait notre établissement. Nous roulâmes aussitôt nos matelas, qui heureusement, étant de cuir, n’avaient point eu le temps de prendre l’eau. Nous les plaçâmes sur des tréteaux qui les élevaient au dessus des eaux comme l’esprit de Dieu ; nous suspendîmes nos draps et nos couvertures aux porte-manteaux qui garnissaient les parois intérieures de notre chambre à coucher ; puis, laissant à notre mousse le soin d’éponger les deux pouces de liquide au milieu duquel nous barbotions, nous gagnâmes le pont.

Le vent s’était levé comme l’avait dit le pilote, et à l’heure qu’il avait dit, et, selon sa prédiction, nous était tout à fait contraire. Néanmoins, comme nous étions parvenus à sortir du détroit, nous étions plus à l’aise, et nous courions des bordées dans l’espérance de gagner un peu de chemin ; mais il résultait de cette manœuvre que la mer nous battait en plein travers, et que de temps en temps le bâtiment s’inclinait tellement que le bout de nos vergues trempait dans la mer. Au milieu de toute cette bagarre et sur un plan incliné comme un toit, nos matelots couraient de l’avant en arrière avec une célérité à laquelle nous autres, qui ne pouvions nous tenir en place qu’en nous cramponnant de toutes nos forces, ne comprenions véritablement rien. De temps en temps le cri : burrasca ! burrasca ! retentissait de nouveau ;