Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/153

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bine elle était parfaitement séchée, et que nous y retrouverions nos lits, qui nous attendaient dans le meilleur état possible. Nous ne nous le fîmes pas redire deux fois, et tranquilles désormais sur la bourrasque devant laquelle nous marchions en courriers, nous nous endormîmes au bout de quelques instans.

Nous nous réveillâmes à l’ancre, juste à l’endroit dont nous étions partis la veille : il ne tenait qu’à nous de croire que nous n’avions pas bougé de place, mais que seulement nous avions eu un sommeil un peu agité.

Comme la prédiction de Nunzio s’était réalisée de point en point, nous nous approchâmes de lui avec une vénération encore plus grande que d’habitude pour lui demander de nouvelles centuries à l’endroit du temps. Ses prévisions n’étaient pas consolantes : à son avis, le temps était complètement dérangé pour huit ou dix jours ; et il y avait même dans l’air quelque chose de fort étrange, et qu’il ne comprenait pas bien. Il résultait donc des observations atmosphériques de Nunzio que nous étions cloués à San-Giovanni pour une semaine au moins. Quant à renouveler l’essai que nous venions de faire, et qui nous avait si médiocrement réussi, il ne fallait pas même le tenter.

Notre parti fut pris à l’instant même. Nous déclarâmes au capitaine que nous donnions six jours au vent pour se décider à passer du nord au sud-est, et que si au bout de ce temps il ne s’était pas décidé à faire sa saute, nous nous en irions tranquillement par terre, à travers plaines et montagnes, notre fusil sur l’épaule, et tantôt a pied, tantôt à mulets ; pendant ce temps le vent finirait probablement par changer de direction, et notre speronare, profitant du premier souffle favorable, nous retrouverait au Pizzo.

Rien ne met le corps et l’âme à l’aise comme une résolution prise, fût-elle exactement contraire à celle que l’on comptait prendre. A peine la nôtre fut-elle arrêtée que nous nous occupâmes de nos dispositions locatives ; pour rien au monde je n’aurais voulu remettre le pied à Messine. Nous décidâmes donc que nous demeurerions sur notre speronare ; en conséquence on s’occupa à l’instant même de le tirer à terre, afin que nous n’eussions pas même à suppor-