Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/266

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et la meule en question, soutenue par un fort pilier de pierre, était entourée par un banc semblable. Au moment de la secousse du 5 février, les branches de l’oranger devinrent le refuge d’un homme qui, fuyant épouvanté, s’y blottit ; le pilier, la meule, le banc, l’arbre et l’homme furent soulevés et portés ensemble à un tiers de lieue au delà.

» La destruction de Bagnara présente au philosophe et au naturaliste des faits moins merveilleux peut-être, mais non moins intéressans : pendant le cours des commotions de la terre, toutes les sources et toutes les fontaines de la ville furent subitement desséchées ; les animaux les plus sauvages furent frappés d’une si grande terreur, qu’un sanglier, échappé de la forêt qui dominait la ville, se précipita volontairement du haut d’un roc escarpé au milieu de la voie publique. Enfin ou remarqua que, par un choix sans doute inexplicable, la nature se plut à frapper surtout les femmes, et parmi les femmes toutes les jeunes ; les vieilles seules fu rent sauvées et survécurent à cette catastrophe.

» Tels sont les traits principaux de l’événement, telle fut la situation des victimes, telle est la destruction fatale qui atteignit les Calabres ; tel est enfin, au bout de trente-cinq années de calme, l’état où le pays se trouve encore aujourd’hui[1]. »

Sans que la ville de Castiglione eût été le théâtre d’événemens aussi extraordinaires que ceux que nous venons de raconter, les accidens en étaient cependant assez déplora bles et assez variés pour que notre journée s’écoulât rapidement au milieu de cette malheureuse population. Après avoir vu retirer de dessous les décombres deux ou trois cadavres d’hommes et une douzaine de bœufs ou de chevaux tués ou blessés, après avoir nous-mêmes pris part aux fouilles pour relayer les bras fatigués, nous quittâmes vers les cinq heures le village de Castiglione, qui, comme Cosenza, avait sa succursale de baraques ; seulement les baraques des luxueux habitans de la capitale étaient des palais près de ces malheureux paysans, dont quelques-uns étaient entièrement ruinés.

  1. M. de Gourbillon écrivait son voyage en Calabre vers 1813.