Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/282

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ces deux villes ; nous remontâmes donc à bord, et à la nuit tombante nous sortîmes du port de Salerne pour nous réveiller dans celui d’Amalfi.

Amalfi, avec ses deux ou trois cents maisons éparses sur la rive, ses roches qui la dominent, et son château en ruines qui domine ses roches, est d’un charmant aspect pour le voyageur qui y arrive par mer ; elle se dessine alors en amphithéâtre et présente d’un seul coup d’œil toutes ses beautés qui lui ont mérité d’être citée par Boccace comme une des plus délicieuses villes de l’Italie : c’est que du temps de Boccace Amalfi était presque une reine, tandis qu’aujourd’hui Amalfi est à peine une esclave. Il est vrai qu’elle a toujours ses bosquets de myrtes et ses massifs d’orangers ; il est vrai qu’après chaque pluie d’été elle retrouve ses belles cascades, mais ce sont là les dons de Dieu que les hommes n’ont pu lui ôter : tout le reste, grandeur, puissance, commerce, liberté, tout ce reste, elle l’a perdu, et il ne lui reste que le souvenir de ce qu’elle a été, c’est-à-dire ce que le ver du cercueil serait au cadavre, si le cadavre pouvait sentir que le ver le ronge.

En effet, peu de villes ont un passé comme celui d’Amalfi.

En 1135 on y trouve les Pandectes de Justinien.

En 1302 Flavio Gioja y invente la boussole.

Enfin, en 1622, Masaniello y voit le jour.

Ainsi, le principe de toute loi, la base de toute navigation, le germe de toute souveraineté populaire, prennent naissance dans ce petit coin du monde qui n’a plus aujourd’hui pour le consoler de toutes ses grandeurs passées que la réputation de faire le meilleur macaroni qui se pétrisse de Cbambéry à Reggio, du mont Cenis au mont Etna.

Entre ses cascades est une fonderie où l’on fabrique le fer qui se tire de l’île d’Elbe, cet autre royaume déchu, qui ne subsistera dans l’histoire que pour avoir servi dix mois de piédestal à un géant.

C’est à Atrani, petit village situé à quelques centaines de pas d’Amalfi, que naquit Thomas Aniello, dont, par une abréviation familière au patois napolitain, on a fait Masaniello. Outre ce souvenir, auquel nous reviendrons, Atrani offre comme art un des monumens les plus curieux que pré-