Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/49

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éteint ? Y ont-ils poussé comme les bruyères qui lui ont donné son nom ? Quelle raison empêche qu’ils ne quittent cet effroyable séjour ? Il n’y a pas un coin du monde où ils ne soient mieux que là. Ce rocher brûlé par le feu, cette lave durcie par l’air, ces scories sillonnées par l’eau des tempêtes, est-ce donc une patrie ? Qu’on y naisse, cela est concevable, on naît où l’on peut ; mais qu’ayant la faculté de se mouvoir, le libre arbitre qui fait qu’on peut chercher le mieux, une barque pour vous porter partout ailleurs, et qu’on reste là, c’est ce qui est impossible à comprendre, c’est ce que ces malheureux eux-mêmes, j’en suis sûr, ne sauraient expliquer.

Une partie de la journée nous courûmes des bordées ; nous avions toujours le vent contraire : nous passions successivement en revue les Salines, Lipari et Vulcano ; apercevant à chaque passage, entre les Salines et Lipari, Stromboli secouant à l’horizon son panache de flammes. Puis, chaque fois que nous revenions vers Vulcano, tout enveloppée d’une vapeur chaude et humide, nous voyions plus distinctement ses trois cratères inclinés vers l’occident, et dont l’un d’eux a laissé couler une mer de lave, dont la couleur sombre contraste avec la terre rougeâtre et avec les bancs sulfureux qui l’entourent. Ce sont deux îles réunies en une seule par une irruption qui a comblé l’intervalle ; seulement, l’une était connue de toute éternité, et c’était Vulcano ; tandis que l’autre ne date que de l’an 550 de Rome. L’irruption qui les joignit eut lieu vers la moitié du seizième siècle ; elle forma deux ports : le port du levant et le port du couchant.

Enfin, après huit heures d’efforts inutiles, nous parvînmes à nous glisser entre Lipari et Vulcano, et, une fois abrités par cette dernière île, nous gagnâmes à la rame le port de Lipari, où nous jetâmes l’ancre vers les deux heures.

Lipari, avec son château-fort bâti sur un rocher et ses maisons suivant les sinuosités du terrain, présente un aspect des plus pittoresques. Nous eûmes, au reste, tout le temps d’admirer sa situation, attendu les difficultés sans nombre qu’on nous fit pour nous laisser entrer. Les autorités, à qui nous avions eu l’imprudence d’avouer que nous ne venions pas pour le commerce de la pierre-ponce, le seul