Page:Dumas - Le Capitaine Pamphile, 1875.djvu/12

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époque, et, faisant un signe de l’œil à madame Beauvais, je lui demandai si elle m’avait conservé la tortue que j’avais retenue, la veille, en passant.

Madame Beauvais me comprit avec cette soudaineté d’intelligence qui distingue la classe marchande parisienne, et, faisant glisser poliment la bête des mains du marchandeur, elle la remit entre les miennes, en disant, avec un accent anglais très-prononcé, à notre insulaire, qui la regardait la bouche béante :

— Pardon, milord, le petite tortue, il être vendue à monsieur depuis cette matin.

— Ah ! me dit en très-bon français le milord improvisé, c’est à vous, monsieur, qu’appartient cette charmante bête ?

Yes, yes, milord, répondit madame Beauvais.

— Eh bien, monsieur, continua-t-il, vous avez là un petit animal qui fera d’excellente soupe ; je n’ai qu’un regret, c’est qu’il soit le seul de son espèce que possède en ce moment madame la marchande.

— Nous have la espoir d’en recevoir d’autres demain matin, répondit madame Beauvais.

— Demain, il sera trop tard, répondit froidement l’Anglais ; j’ai arrangé toutes mes affaires pour me brûler la cervelle cette nuit, et je désirais, auparavant, manger une soupe à la tortue.

En disant ces mots, il me salua et sortit.

— Pardieu ! me dis-je après un moment de réflexion, c’est bien le moins qu’un aussi galant homme se passe un dernier caprice.