Page:Dumas - Le Capitaine Pamphile, 1875.djvu/13

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Et je m’élançai hors du magasin en criant, comme madame Beauvais :

— Milord ! milord !

Mais je ne savais pas où milord était passé ; il me fut impossible de mettre la main dessus.

Je revins chez moi tout pensif : mon humanité envers une bête était devenue une inhumanité envers un homme. La singulière machine que ce monde, où l’on ne peut faire le bien de l’un sans le mal de l’autre ! Je gagnai la rue de l’Université, je montai mes trois étages, et je déposai mon acquisition sur le tapis.

C’était tout bonnement une tortue de l’espèce la plus commune : testudo lutaria, sive aquarum dulcium ; ce qui veut dire, selon Linné chez les anciens, et selon Ray chez les modernes, tortue de marais ou tortue d’eau douce[1].

Or, la tortue de marais ou la tortue d’eau douce tient à peu près, dans l’ordre social des chéloniens, le rang correspondant à celui que tiennent chez nous, dans l’ordre civil, les épiciers, et, dans l’ordre militaire, la garde nationale.

C’était bien, du reste, le plus singulier corps de tortue qui eût jamais passé les quatre pattes, la tête et la queue par les ouvertures d’une carapace. À peine se sentit-elle

  1. On sait que les reptiles sont divisés en quatre catégories : les chéloniens ou tortues, qui occupent le premier rang ; les sauriens ou lézards, qui occupent le second ; les ophidiens ou serpents, qui occupent le troisième ; enfin les batraciens ou grenouilles, qui occupent le quatrième.