Page:Dumas - Le Capitaine Pamphile, 1875.djvu/139

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jours dans la poitrine, de manière qu’au bout de dix minutes, le fleuve, dans une circonférence assez étendue, se trouva couvert de morts et de blessés ; lorsqu’il y en eut une soixantaine, à peu près, couchés sur le champ de bataille, le Serpent-Noir, fidèle à ses principes, fit signe de cesser le carnage. Il fut obéi par ses hommes avec une soumission qui eût fait honneur à la discipline d’une escouade prussienne, et les fuyards qui, cette fois, ne croyaient pas avoir trop de leurs pattes et de leur queue combinées, gagnèrent hâtivement la terre sans que les Indiens songeassent à les poursuivre.

Cependant, si peu de temps qu’eût duré cette chasse, elle avait suffi pour qu’un orage, que les Indiens n’avaient pas remarqué, s’amassât au ciel ; de sorte que le capitaine Pamphile n’en était encore qu’à moitié de sa besogne, lorsqu’il fallut l’interrompre pour prendre sa part de la manœuvre ; elle était on ne peut plus simple, et consistait à ramer, lui quatrième, vers la terre où le Serpent-Noir espérait aborder avant que l’ouragan eût éclaté ; malheureusement, comme nous l’avons dit, le vent soufflait de la rive même qu’il fallait atteindre, et les vagues se soulevaient avec tant de rapidité, qu’au bout d’un instant on eût pu se croire en pleine mer.

Pour comble d’embarras, la nuit survint et le fleuve ne fut plus éclairé que par la lueur de la foudre ; la petite barque était emportée comme une coquille de noix, tantôt au sommet d’une vague, et tantôt précipitée dans les profondeurs du fleuve ; de sorte qu’à chaque instant elle était sur le point de chavirer. Cependant on approchait