Page:Dumas - Le Capitaine Pamphile, 1875.djvu/153

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une statue, était accroupi un jeune Indien rouge de la tribu des Sioux ; son grand arc de bois d’érable était près de lui, et à ses pieds gisaient plusieurs oiseaux de l’espèce des colombes et quelques petits quadrupèdes percés de flèches. Ni l’arrivée ni l’action de Pamphile ne parurent le tirer de cette apathie apparente sous laquelle les sauvages cachent la défiance éternelle qu’ils éprouvent à l’approche de l’homme civilisé ; car, au seul bruit de ses pas, le jeune Sioux avait reconnu le voyageur pour un Européen. Le capitaine Pamphile, de son côté, le regarda avec l’attention profonde d’un homme qui sait que, pour une chance de rencontrer un ami, il y en a dix de trouver un ennemi. Puis, comme cet examen ne lui apprit rien autre chose que ce qu’il voyait, et que ce qu’il voyait le laissait dans son incertitude, il se décida à lui adresser la parole.

— Mon frère est-il endormi, demanda-t-il, qu’il ne lève même pas la tête à l’arrivée d’un ami ?

L’Indien tressaillit ; et, sans répondre autrement que par l’action même, il souleva son front et montra du doigt au capitaine un de ses yeux sorti de son orbite, et pendant à un nerf, tandis que de la cavité qu’il avait occupée coulait sur le bas de sa figure et sur sa poitrine une rigole de sang ; puis, sans dire une seule parole, sans pousser une seule plainte, il laissa retomber sa tête dans ses mains.

Une flèche s’était cassée au moment où la corde de son arc était tendue, et un des fragments du roseau brisé était revenu crever l’œil de l’Indien ; le capitaine Pam-