Page:Dumas - Le Capitaine Pamphile, 1875.djvu/157

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jeune Indien ; mais il paraissait profondément endormi ; il revint donc à son souper, auquel il fit à tout hasard le même honneur que s’il se fût trouvé dans une situation moins précaire ; puis, le repas fini, il jeta une brassée de bois sur le feu et alla se coucher sur la peau de buffle étendue dans un coin de la hutte, non pas dans l’intention de dormir, mais pour ne donner aucun soupçon à la vieille, qui était rentrée dans le second compartiment et avait disparu.

Un instant après que le capitaine Pamphile fut couché, la natte se souleva doucement, et l’horrible tête de la mégère reparut, fixant tour à tour ses petits yeux ardents sur chacun des dormeurs ; ne leur voyant faire aucun mouvement, elle entra dans la chambre, alla à la porte de la hutte qui donnait à l’extérieur, et écouta comme si elle attendait quelqu’un ; mais, aucun bruit n’étant parvenu à son oreille, elle se retourna, et, comme pour ne pas perdre son temps, elle alla détacher des parois de la hutte un long couteau de cuisine, et, se mettant à cheval sur une meule à repasser, elle la fit tourner avec le pied et commença d’aiguiser soigneusement son arme. Le capitaine Pamphile voyait l’eau tomber goutte à goutte sur la pierre, et ne perdait pas un de ces mouvements qu’éclairait la lueur tremblante du foyer ; les préparatifs étaient parlants ; le capitaine Pamphile tira son couteau de sa ceinture, l’ouvrit, en essaya la pointe avec le doigt, passa son pouce sur le tranchant, et, satisfait de l’examen, il attendit l’événement, immobile et simulant le sommeil le plus calme et le plus profond.