Page:Dumas - Le Capitaine Pamphile, 1875.djvu/24

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gagnait du terrain, en cris aigus interrompus par des craquements de dents. Enfin, lorsqu’elle ne fut plus qu’à un pied de distance du précieux légume, l’agitation de Jacques prit tout le caractère d’un désespoir réel ; il saisit, d’une main, le dossier de son siége, et, de l’autre, la traverse recouverte de paille, et, probablement dans l’espoir d’effrayer la bête parasite qui venait lui rogner son dîner, il secoua la chaise de toute la force de ses poignets, jetant ses deux pieds en arrière comme un cheval qui rue, et accompagnant ces évolutions de tous les gestes et de toutes les grimaces qu’il croyait capables de démonter l’impassibilité automatique de son ennemi. — Mais tout était inutile ; Gazelle n’en faisait pas pour cela un pas moins vite que l’autre. Jacques Ier ne savait plus à quel saint se vouer.

Heureusement pour Jacques qu’il lui arriva, en ce moment, un secours inattendu. Tom, qui s’était retiré dans sa loge à mon arrivée, avait fini par se familiariser avec ma présence, et prêtait, comme nous tous, une certaine attention à la scène qui se passait ; étonné d’abord de voir se remuer cet animal inconnu, devenu, grâce à moi, commensal de son logis, il l’avait suivi dans sa course vers la carotte avec une curiosité croissante. Or, comme Tom ne méprisait pas non plus les carottes, lorsqu’il vit Gazelle près d’atteindre le précieux légume, il fit trois pas en trottant et, levant sa grosse patte, il la posa lourdement sur le dos de la pauvre bête, qui, frappant la terre du plat de son écaille, rentra incontinent dans sa carapace et resta immobile à deux pouces de distance du comestible qui