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LE COLLIER DE LA REINE. 15î

mièrè ne glisse-t-il pas dans ce profond abîme qu’on appelle un cœur de femme, plus profond encore lorsque c’est un cœur de reine.

Et lorsque Philippe avait assez ballotté ces deux noms dans sa pensée, il regardait à l’extrémité de la table messieurs deCoigny et de Vaudreuil, qui, par un singulier caprice du hasard, se trouvaient assis côte à côte, les yeux tournés sur un autre point que celai où se trouvait la reine, insoucians, pour ne pas dire oublieux. Et Philippe se disait qu’il était impossible que ces deux hommes eussent aimé et fussent si calmes, qu’ils eussent été aimés et qu’ils fussent si oublieux. — Oh I si la reine Vaimait, lui, il deviendrait fonde bonheur ; si elle l’oubliait après l’avoir aimé, il se tuerait de désespoir. Et de messieurs de Coigny et de Vaudreuil, Philippe passait à Marie-Antoinette.

Et toujours rêvant, il interrogeait ce front si pur, cette bouche si impérieuse, ce regard si majestueux ; il demandait à toutes les beautés de cette femme la révélation du secret de la reine.

— Oh I non, calomnies ! calomnies 1 que tous ces bruits vagues qui commenoaient à circuler dans le peuple, et auxquels les intérêts, les haines ou les intrigues de la cour donnaient seuls quelque consistance. Philippe en était là de ses réflexions quant sept heures trois quarts sonnèrent à l’horloge de la salle des Gardes. Au même instant un grand bruit se fit entendre. Dans cette salle, des pas retentirent pressés et rapides. La crosse des fusils frappa les dalles. Un brouhaha de voix, pénétrant par la porte entr’ ouverte, appela l’attention du roi, qui renversa la tète en arrière pour mieux entendre, puis fit un signe à la reine.

Celle-ci comprit l’indication et immédiatement leva la séance.

Chaque joueur ramassant ce qu’il avait devant lui attendit, pour prendre une résolution, que la reine eût laissé deviner la sienne.

La reine passa dans la grande salle de réception. Le roi y était arrivé devant elle.