Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/100

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comme je vous l’ai dit, au repas de mes fiançailles, j’allais me marier dans une heure, et je comptais partir demain pour Paris, lorsque, sur cette dénonciation que vous paraissez maintenant mépriser autant que moi, je fus arrêté.

— Oui, oui, murmura Villefort, tout cela me paraît être la vérité, et, si vous êtes coupable, c’est imprudence ; encore cette imprudence était-elle légitimée par les ordres de votre capitaine. Rendez-nous cette lettre qu’on vous a remise à l’île d’Elbe, donnez-moi votre parole de vous représenter à la première réquisition, et allez rejoindre vos amis.

— Ainsi je suis libre, Monsieur ! s’écria Dantès au comble de la joie.

— Oui, seulement donnez-moi cette lettre.

— Elle doit être devant vous, Monsieur ; car on me l’a prise avec mes autres papiers, et j’en reconnais quelques-uns dans cette liasse.

— Attendez, dit le substitut à Dantès, qui prenait ses gants et son chapeau, attendez ; à qui est-elle adressée ?

À Monsieur Noirtier, rue Coq-Héron, à Paris.

La foudre tombée sur Villefort ne l’eût point frappé d’un coup plus rapide et plus imprévu ; il retomba sur son fauteuil, d’où il s’était levé à demi pour atteindre la liasse de papiers saisis sur Dantès, et, la feuilletant précipitamment, il en tira la lettre fatale, sur laquelle il jeta un regard empreint d’une indicible terreur.

— M. Noirtier, rue Coq-Héron, no 13, murmura-t-il en pâlissant de plus en plus.

— Oui, Monsieur, répondit Dantès étonné, le connaissez-vous ?

— Non, répondit vivement Villefort : un fidèle serviteur du roi ne connaît pas les conspirateurs.