Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/117

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Une pensée surtout le faisait bondir : c’est que, pendant cette traversée, où, dans son ignorance du lieu où on le conduisait, il était resté si calme et si tranquille, il aurait pu dix fois se jeter à la mer, et, une fois dans l’eau, grâce à son habileté à nager, grâce à cette habitude qui faisait de lui un des plus habiles plongeurs de Marseille, disparaître sous l’eau, échapper à ses gardiens, gagner la côte, fuir, se cacher dans quelque crique déserte, attendre un bâtiment génois ou catalan, gagner l’Italie ou l’Espagne, et de là écrire à Mercédès de venir le rejoindre. Quant à sa vie, dans aucune contrée il n’en était inquiet : partout les bons marins sont rares ; il parlait l’italien comme un Toscan, l’espagnol comme un enfant de la Vieille-Castille ; il eût vécu libre, heureux avec Mercédès, son père, car son père fût venu le rejoindre ; tandis qu’il était prisonnier, enfermé au château d’If, dans cette infranchissable prison, ne sachant pas ce que devenait son père, ce que devenait Mercédès, et tout cela parce qu’il avait cru à la parole de Villefort : c’était à en devenir fou ; aussi Dantès se roulait-il furieux sur la paille fraîche que lui avait apportée son geôlier.

Le lendemain, à la même heure, le geôlier rentra.

— Eh bien ! lui demanda le geôlier, êtes-vous plus raisonnable aujourd’hui qu’hier ?

Dantès ne répondit point.

— Voyons donc, dit celui-ci, un peu de courage ! désirez-vous quelque chose qui soit à ma disposition ? voyons, dites.

— Je désire parler au gouverneur.

— Eh ? dit le geôlier avec impatience, je vous ai déjà dit que c’est impossible.

— Pourquoi cela, impossible ?