Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/119

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un seul désir impossible, ou avant quinze jours vous serez fou.

— Ah ! tu crois ? dit Dantès.

— Oui, fou ; c’est toujours ainsi que commence la folie, nous en avons un exemple ici : c’est en offrant sans cesse un million au gouverneur, si on voulait le mettre en liberté, que le cerveau de l’abbé qui habitait cette chambre avant vous s’est détraqué.

— Et combien y a-t-il qu’il a quitté cette chambre ?

— Deux ans.

— On l’a mis en liberté ?

— Non, on l’a mis au cachot.

— Écoute, dit Dantès, je ne suis pas un abbé, je ne suis pas fou ; peut-être le deviendrai-je, mais malheureusement à cette heure j’ai encore tout mon bon sens : je vais te faire une autre proposition.

— Laquelle ?

— Je ne t’offrirai pas un million, moi, car je ne pourrais pas te le donner ; mais je t’offrirai cent écus si tu veux, la première fois que tu iras à Marseille, descendre jusqu’aux Catalans, et remettre une lettre à une jeune fille qu’on appelle Mercédès ; pas même une lettre, deux lignes seulement.

— Si je portais ces deux lignes et que je fusse découvert, je perdrais ma place, qui est de mille livres par an, sans compter les bénéfices et la nourriture ; vous voyez donc bien que je serais un grand imbécile de risquer de perdre mille livres pour en gagner trois cents.

— Eh bien, dit Dantès, écoute et retiens bien ceci : si tu refuses de porter deux lignes à Mercédès ou tout au moins de la prévenir que je suis ici, un jour je t’attendrai caché derrière ma porte, et au moment où tu rentreras, je te briserai la tête avec cet escabeau.